مجلة السنونو (
العدد الثامن ) -
نقد وفن
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الفنانة
هالة الفيصل والسنونو الذي يصنع الربيع
( النسخة الفرنسية )
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Hala Fayçal et l'hirondelle qui a fait
le printemps.
Bassam Jubeily
Traduit par : Ziad Khachouk
Ce serait certes une bonne occasion pour le connaisseur de voir l'exposition rétrospective de Hala Fayçal à la salle de l'Association des Beaux-Arts à Homs, ce qui lui permettrait de passer en revue une expérience artistique distinguée et riche s'étendant sur plus de vingt ans au cours desquels l'artiste s'est trimballée dans plusieurs métropoles du monde, soit pour des études : en Russie et en France pour se spécialiser en animation cinématographique, soit en Allemagne pour l'approfondissement et l'expérimentation, soit aux États-unis pour vivre et travailler. L'importance et la distinction de Hala résident dans le fait qu'elle a acquis sa sensibilité artistique et sa conscience de la vie par le voyage et le déplacement à travers des temps et des lieux très diversifiés prenant ainsi contact avec des cultures variées et acquérant la hardiesse d'expérimenter sa capacité et sa liberté d'expression révoltée et indignée à l'égard de ce qui est terre-à-terre, refusant tout ce qui est arriéré dans l'art et la vie.
Il me semble que
l'entrée dans le monde artistique de Hala comprenant, à côté de l'art
plastique, le cinéma et le chant ne puisse se faire qu'à travers sa personnalité
sensible, franche et énergique. On dirait que son art et sa vie sont deux
jumeaux inséparables. Elle est le modèle de l'artiste agissant en harmonie avec
lui-même, puisqu'elle a brûlé tous les masques du mensonge artistique et social
en n'en gardant pour elle qu'un ou deux très transparents et contradictoires
pour l'aider à jouer sur le théâtre de la vie et de l'art en vue de mener à bout
le cycle du conflit. Elle affronte la vie avec une spontanéité infantile, mais
qui a perdu sa fraîcheur, avec un cœur ouvert mais surchargé de soucis. Tout
cela l'a aidée à tracer son parcours artistique où elle a pu allier la vérité
avec l'imagination, les rêves rosés avec la réalité tragique et folle à tel
point que l'éternel conflit entre le cœur et la raison est devenu, et l'essence
de son art, et l'objectif de sa vie.
Dans cette
exposition, on peut distinguer trois thèmes principaux comprenant portraits,
paysages et personnes qui, tous, ont été soumis, lors du traitement, à un amour
du lieu enraciné qui a fait se refléter les choses et les êtres dans le miroir
intérieur de l'artiste, tel un sosie fourbe qui lui ressemblerait et à qui elle
ressemblerait, qu'elle logerait dans la toile lui conférant ses propre traits,
qu'elle chargerait d'une énergie sensitive envahissante et d'un désir inassouvi
de liberté et de délivrance.
Il
semble que la clé du monde artistique de Hala soit dans ses tableaux sur "la
femme et son milieu". Ces œuvres qui poursuivent la femme dans sa retraite
fermée, plongeant dans son monde féminin pour y découvrir la spécificité de sa
relation avec son corps et ses objets environnants. C'est là que l'artiste tente
de s'approcher d'elle-même jusqu'à la fusion ou même
l'identification. Elle jette à son monde un regard frais, comme si elle le
voyait pour la première fois tel un enfant sans cesse émerveillé de découvrir,
avec amour et recueillement, le domaine de sa perception. Cette collection
trouve son prolongement dans une autre, moins expressive et plus ornementale,
mais relevant du même procédé de traitement, à savoir "les tableaux de cafés".
La beauté de cette dernière résiderait dans la schémati-sation et la
simplification des choses et des personnages; dans leur modifi-cation de façon à
apparaître plus allongées, à tel point qu'on ne saurait dire s'il s'agissait de
choses personnifiées ou de personnes chosifiées. L'homogénéisation et la fusion
des éléments avec le milieu nous rappelle Matisse lorsqu'il se donnait libre
cours à traiter la simpli-fication et l'ingénuité. Ce qui est étrange c'est que
Hala, dans ces tableaux, rétrécit le la profondeur en réduisant son tableau à
deux dimensions mais, en même temps, elle garde l'épaisseur et se prévaut d'une
perspective arbitraire qu'elle dévierait à sa guise pour donner à chaque groupe
d'objets son aspect spécifique et différencié sans tenir compte des lignes de
fuite et du niveau de l'œil de l'observateur. Elle construit son tableau avec
des lignes énergiques, colorie les surfaces isolées au pastel ou à l'aquarelle
nous ramenant ainsi à l'ancienne méthode orientale adoptées par nos ancêtres
pour créer leur style dans l'ornementation de leur manuscrits et l'enluminure
des livres de tradition.
Les portraits
forment une composante essentielle dans la carrière de Hala. Ils sont présents à
toutes les phases de sa production artistique. Elle y a usé de tous les produits
: aquarelle et gouache, acrylique et pastel… en donnant à chacun d'eux son
droit à l'existence et à l'action. L'importance de ces tableaux viendrait de
ce qu'ils offrent l'occasion de faire des comparaisons entre différentes
techniques chromatographiques et stylistiques utilisées pour un même thème : le
portrait. En outre, ils ont montré l'effet de chaque technique sur la
compréhension et le traitement.
On peut presque
dire que les portraits en aquarelle sont les plus forts et les plus expressifs.
En effet, l'artiste ne se contente pas ici d'extraire la ressemblance à partir
du modèle ; elle y ajoute quelque chose d'elle-même et de sa personnalité à tel
point que l'on pourrait entrevoir certains de ses propres traits habiter
discrètement, timidement, ceux du modèle peint. Il semble que l'aquarelle l'ait
aidée à capter les moments d'émotion et à les fixer avec une force et une
spontanéité rares.
Nous remarquons
qu'elle a adopté dans l'exécution de son travail l'infiltration des taches
colorées et leur affaiblissement progressif dans les "pores" du papier à dessin.
Tout à fait consciente de la nature de l'aquarelle, elle a toujours eu recours
au contournement des faux-fuyants et des surprises de la couleur. Elle a
investit mêmes les erreurs inattendues et les écarts indésirables dans l'intérêt
de son tableau ce qui lui confère une spontanéité et un désordre très beaux et
très captivants qui accaparent l'œil de l'observateur lui faisant goûter la
spécificité, la singularité des touches et l'impossibilité de leur répétition ou
de leur imitation.
Ce qui
attire vraiment l'attention dans l'exposition de Hala Fayçal c'est sa façon de
traiter le thème du paysage qui, depuis la renaissance jusqu'à nos jours, a été
saturé et qui est donc devenu un véritable problème pour
l'artiste si
celui-ci n'a plus rien à y ajouter. La nouveauté des paysages de Hala, c'est
qu'elle a dépassé l'impressionnisme et le flirt de la lumière avec les couleurs;
elle a renoncé à entreprendre ses peintures en plein air préférant retourner à
son atelier chargée de sentiments, et rien que des sentiments, après avoir
assimilé les éléments de la nature,tout en les transformant en souvenir habitant
son miroir flou, surmené pour les réfléchir ensuite sur ses tableaux : une terre
pas comme la terre,… un ciel pas comme le ciel,…. des arbres pas comme les
arbres. On dirait que le paysage peint n'est qu'un prétexte pour charger le
tableau de sensations visuelles et affectives, tant refoulées et assimilées. Les
couleurs de cet ensemble sont insolites et portent une conscience aiguë du
malheur et de la perte. Elles sont calmes comme un désert, vagues comme une
fleur sauvage, naïves comme l'ombre d'une violette. Ces tableaux sont réalisés à
l'acrylique à séchage rapide ce qui a aidé l'artiste à capter, rapidement et
vigoureusement, les moments du flux émotif pour pouvoir rétablir le stock de sa
conscience du lieu avec une réduction, une schématisation, une liberté et une
anarchie étonnantes. Cet ensemble, me semble-t-il, constituerait une réalisation
accomplie, unique en son genre qui ferait honneur à Hala Fayçal.
Enfin, nous
devrions parler de "Le cri", le seul grand tableau qui, comparé aux autres
œuvres de l'exposition, apparaît différent par le style et conforme par le
sentiment et le flux émotif. C'est un travail dur, déchirant et douloureux que
l'artiste a réalisé au cours de la dernière agression barbare israélite sur le
Liban. Elle n'a pas attendu la fin du brassage des événements, afin de les
regarder de loin, en prenant une distance qui lui permettrait une vision plus
"réfléchie", comme préféreraient certains autres artistes qui laisseraient une
marge de temps leur permettant de réduire l'angle de vision et, par là,
l'allègement de l'acuité, de l'ardeur et de la crudité de l'événement. Mais Hala
s'est abandonnée à son naturel en captant et reflétant avec l'œil et l'esprit ce
que lui a dicté la catastrophe. Elle n'a donné aucune importance à ce qui aurait
pu retarder son sentiment de la douleur, de la colère et de la déprime. Elle a
vécu, elle a peint les événements au jour le jour avec un sentiment expressif,
envahissant, douloureux et horrible. Le cri de Hala n'est que l'écho du célèbre
"Cri" de Munch. Mais il déborde de sa douleur à elle, de son expression
incontestablement locale, de son absurdité chargée de l'odeur du sang qu'on ne
saurait voir à l'œil mais dont on pourrait ressentir l'existence dans chaque
détail. C'est un tableau consacré à la protestation désespérée, mortifiée
contre la sauvagerie, l'oppression, l'injustice et la douleur… Mais ce n'était
que son deuxième cri.
Son
premier cri, elle l'a déjà poussé contre la guerre en Iraq et en Palestine
lorsqu'elle s'est dévêtue sur la place de Washington Square Park en écrivant sur
son dos "Stoppez la guerre". Les agences médiatiques n'ont point tardé à en
recueillir la nouvelle et les journaux arabes et étrangers à en écrire, ce qui a
soulevé une tempête dont les répercussions ne cessent de se faire entendre sous
forme de réactions contradictoires, entre approbateurs et réprobateurs. Mais
qu'est-ce que Hala a fait ? Lorsque les moines bouddhistes se brûlaient vifs sur
la chaussée en protestation sur la guerre féroce au Vietnam, était-il juste de
se demander
"Pourquoi" ?
alors que nous sommes tout à fait convaincus de ce qu'ils faisaient sans pouvoir
justifier par la raison le comportement d'un homme qui livrerait sa vie au feu.
Hala Fayçal est née à Homs. Elle a deux nationalité : syrienne et étasunienne.
Elle a donc intelligemment su jouer sur cette dualité d'appartenance. C'est
ainsi qu'elle a pu solliciter la sensibilité des arabes à l'égard de la nudité
corporelle tout en sollicitant celle des américains envers la nudité morale due
aux agissements dévergondés de leurs gouvernements. En protestant de la sorte,
elle a tenté d'inverser les règles et normes du jeu: Aux arabes, elle a rappelé
leur misère morale; aux américains leur nudité corporelle, même sans feuille de
figuier. Elle a donc pris une attitude courageuse et tranchante sans laisser
lieu à dire "Pourquoi ?", parce que nous autres arabes, dans notre for
intérieur, sommes convaincus de l'importance de tout ce qui pourrait ébranler la
conscience occidentale et romprait son silence outrageant. Dans son premier cri,
Hala a explosé par le corps et la pensée; dans le second, elle a explosé par
l'âme et les sentiments. Dans les deux cas, elle était consciente de la
stérilité de son cri et c'est là qu'est le drame. Mais elle a eu le mérite de
comparer l'absurdité de l'art avec celle de la vie et d'avoir décidé de
sacrifier tout ce qu'elle avait. Chose dite, chose faite.
En fin de
compte, nous apprécions, en face des œuvres de Hala Fayçal, la valeur et la
beauté de ses tableaux imprégnés d'amour et de souffrance, loin de toute
prétention de dextérité creuse ou d'habileté affectée. Nous sommes
devant une artiste qui a essayé de dialoguer avec l'art pour lui arracher ses
rêves épanouis, de faire face à la misère de la politique pour affirmer la
déchéance et la précarité de notre réalité tragique. Elle a très tôt compris que
c'est le chameau qui fait le désert et que c'est l'hirondelle qui fait le
printemps; que le destin de l'homme est de pouvoir comprendre, rien que par le
cœur et la conscience, l'étendue de son désert intérieur, la modestie et le
dénuement de son printemps
extérieur.
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