السبت، 7 نوفمبر 2015

مجلة السنونو ( العدد السادس ) - تأملات - شاعرية النور ( حسن الحسن ) - ( فرنسي )

LA POÉTIQUE DE LA LUMIÈRE
 « J'entrevois un monde où la science triompherait
sur l’ignorance  et la lumière sur les ténèbres. »
 
Hassan El Hassan (dit Aram)
 
Tout commence par la lumière, et tout finirait par la lumière. Sans celle-ci la Création même perd toute raison d'être.
 
Or la lumière, est un symbole universel de la divinité ou de la
spiritualité, car c'est elle qui a permis à l'univers, en se révélant, de sortir du chaos originel, et qui a repoussé 1'obscurité dans ses dernières limites.

 
La lumière succède aux ténèbres (Post tenebras lux), tant dans l'ordre de la manifestation cosmique que dans celui de l'illumination intérieure.
 
La thématique de la lumière est inséparable de l'histoire de la littérature universelle orale ou écrite, religieuse ou profane, romanesque ou poétique, classique ou moderne : chaque civilisation, chaque religion, chaque aire culturelle possède ses propres récits et textes riches en  symboles sur la lumière. Son origine est sacrée, à fortiori absolue, et son histoire reste à écrire ; elle ne peut être que poétique.
 

Lumière cosmique

 
Aurore
 
L'étoile du matin précède l'aurore. Elle annonce la renaissance de la
lumière, l'éveil de celle-ci : l'éternel retour. Dans toutes les civilisations,
l'Aurore aux doigts de rose est le symbole joyeux de l'éveil dans la lumière
retrouvée.
 
Toujours jeune, sans vieillir, sans mourir, elle marche selon son destin et voit se succéder les générations. Mais chaque matin elle est là, symbole de toutes les possibilités, signe de toutes les promesses. Avec elle
recommence le monde et tout nous est offert. L'aurore annonce et prépare
l'épanouissement des récoltes, comme la jeunesse annonce et prépare
celui de l'homme. Symbole de la lumière et de la plénitude promise,
l'aurore ne cesse, en chacun, d'être espoir.
 
Les religions monothéistes voient dans les premiers rayons
crépusculaires matinaux, le signe de la puissance du Dieu céleste et 1'annonce de sa victoire sur le monde des ténèbres, qui est celui des méchants.
 
Dans les prières de Rig-Véda. « l'aurore éveille toutes choses...
Repoussant les haines, gardienne de l'Ordre et née dans l'ordre, riche de
faveurs, incitatrice de bienfaits. 
» Et aussi « Lève-toi, Aurore ; tu es la plus
belle de toutes les beautés. »
 
Soleil
 
Source de la lumière, de la chaleur et de la vie, le soleil est au centre
du ciel, comme le coeur au centre de l'homme.
 
"Outre qu'il vivifie, observent les symbolistes, le rayonnement du
soleil manifeste les choses, non seulement en ce qui les rend perceptibles, mais en ce qu'il figure l'extension du point principal, en ce qu'il mesure l'espace."
 
Les premiers rayons matinaux symbolisent le temps où la lumière est encore pure, le commencement où rien n'est encore corrompu, perverti ou compromis .Or « le matin est à la fois symbole de pureté et de promesse : c'est l'heure de la vie paradisiaque. C'est encore celle de la confiance en soi, dans les autres, dans l'existence. »
 
Un hymne babylonien datant du IX ème siècle avant J.-C. est dédié au dieu du soleil Schamash : « Le dieu Schamash est celui qui dissipe les ténèbres, qui éclaire le ciel, qui, en haut comme en bas, combat le Mal » Il y a aussi l’hymne égyptien composé par le pharaon Akhenaton et dédié au dieu Aton : « Déjà tu apparais dans le ciel, soleil de la vie, qui le premier vins de la vie ! Ta lumière resplendit à l’Est, et ta beauté dans toutes les parties du monde. »
 
Roi des astres, le soleil est symbole du roi des hommes. Datant de l’Antiquité, cette comparaison se perpétuait jusqu'à Louis XIV : le Roi-Soleil.
 
À midi, le soleil atteint le milieu du jour, le milieu du ciel et la
lumière entre dans sa plénitude : C'est l'heure où il n'y a plus d'ombre. S'opposant à la lumière, celle-ci est l'image de choses fugitives, irréelles et
changeantes, somme toute l'homme. La première sagesse mésopotamienne
affirme que « L'homme n'est que l'ombre des dieux. »
 
Aussi à midi, commence la moitié descendante de la journée où le
soleil marche vers  l’Ouest, vers le déclin, vers la vieillesse.
 
Avant le crépuscule vespéral, les voûtes célestes s'irisent, changent de couleurs. Cette beauté enivrante symbolisant Dieu a toujours été chantée par les citoyens de la sagesse, tel Empédocle lorsqu'il déclare : "Je suis un errant en exil de Dieu." Aussi Sénèque affirme-t-il « De n'importe où, on peut s'élancer vers le ciel. »
 
Crépuscule
 
Précédant l'ombre, le crépuscule est étroitement lié à l'idée de l'Occident, la direction où le soleil décline, s'éteint et meurt. Il exprime la fin d'un siècle et, en conséquence, la préparation d'un renouveau.
 
Dans Le Crépuscule du soir, Baudelaire décrit la mort de la lumière solaire : « Le jour tombe. Un grand apaisement se fait dans les pauvres esprits fatigués du labeur de la journée : et leurs pensées prennent maintenant les couleurs tendres et indécises du crépuscule.»
"Le crépuscule, observent les symbolistes, est une image spatio-temporelle : l'instant suspendu. L'espace et le temps vont chavirer à la fois dans l'autre monde et l'autre nuit. Mais cette mort de l'un est annonciatrice de l'autre:  un nouvel espace et un nouveau temps succéderont aux anciens. La marche vers l'Ouest est la marche vers l'avenir, mais à travers des transformations ténébreuses. Au-delà de la nuit, on espère de nouvelles aurores.»
 
Nuit
 
La nuit n'est pas la simple absence de la lumière solaire, elle s'apparente aussi symboliquement à l'obscurité pleine de mystères, et au sein maternel protecteur.
 
Dans la mythologie grecque, la nuit (nyx) était la fille du Chaos et la
mère du ciel (Ouranos) et de la Terre (Gaia). Elle engendre le sommeil et
la mort, les rêves et les angoisses, la tendresse et la tromperie.
 
Dans les religions du Livre, la nuit traduit l'étape de privations et
d'épreuves par laquelle doit passer l'âme en quête de l'union avec la
lumière, avec Dieu. C'est au sein de la nuit, dans la « Nuit du Destin », que
se produit dans l'islam la révélation coranique. Aussi, dans la littérature
courtoise arabe, l'histoire légendaire de Majnoun et de Leila, le fou de Leila, personnifie l'âme embrassée. Le nom même de Leila signifierait la nuit où se réfugie l'amour du Seigneur.
 
Comme tout symbole, la nuit elle-même présente un double aspect,
celui des ténèbres où fermente le devenir, celui de la préparation du jour,
d’où jaillira la lumière de la vie.
 
Messagère d'espoir, de rêves et de liberté, la nuit a été profusément célébrée par les poètes. Baudelaire, Rimbaud et Verlaine ont toujours
vécu dans la nuit parisienne. « La tombée de la nuit, écrit Baudelaire, a
toujours été le signe d'une fête intérieure et comme la délivrance d'une
angoisse.
 » Victor Hugo ne chante-il pas la nuit dans Oceano Nox ?
 
Symbole de l'incertitude, de l'indécision, du désir et de l'amour, la nuit
parcourt le Cosmos, enveloppée d'un voile sombre et magique. Dans ses
Méditations poétiques, Lamartine évoque cette incertitude.
 
"Je marche dans la nuit par un chemin mauvais,
Ignorant d'où je viens, incertain où je vais."
Lune
 
Astre des nuits qui croît, décroît et disparaît, « la lune connaît une
histoire pathétique, de même que celle de l'homme. Cet éternel retour à
ses formes initiales, cette périodicité sans fin font que la lune est par
excellence l'astre des rythmes de la vie. Elle contrôle tous les plans
cosmiques régis par la loi du devenir cyclique : eaux, pluie, végétation,
fertilité... »
 
Dans les anciennes civilisations orientales et dans le monde sémitique moderne également (Arabe, sudarabique, éthiopien) la lune est de sexe masculin, et le soleil de nature féminine. Car pour ces peuples nomades et caravaniers, c'est la nuit qui est douce et reposante, propice aux voyages. Aussi chez bien d'autres peuples sédentaires, la lune est de nature masculine. Elle est le guide des nuits.
 
La lune symbolise aussi le temps qui passe, le temps vivant, dont elle        est la mesure, par ses phases successives et régulières.
 
Reflet du soleil, la lune est un symbole de la connaissance indirecte, discursive, progressive, froide ; somme toute de la connaissance théorique, conceptuelle et rationnelle.
 
« Les bouddhistes, notent les symbolistes, croient que Bouddha médita 28 jours sous le figuier, c'est-à-dire un mois lunaire, ou un cycle parfait de notre monde sublunaire, avant d'atteindre le Nirvana et d'arriver à la connaissance parfaite des mystères du monde ».
 
La lune est comparée aux mains de l'homme universel, Adam Kadmon, la main droite, celle qui bénit, est en rapport avec la lune montante, et la main gauche, celle qui jette les maléfices avec les 14 jours de la lune descendante.
 
En Islam, il existe deux calendriers : l'un solaire, en raison des
nécessités de l'agriculture ; l'autre lunaire, pour des raisons religieuses, la
lune étant le régulateur des actes canoniques.
 
Pour le poète mystique Jalal Al-Din Al-Rumi, le Prophète reflète Dieu comme la lune reflète la lumière du soleil.
 
Source d'innombrables mythes, légendes et cultes, la lune occupe une place prépondérante dans les chants des poètes : Verlaine évoque la
beauté et la lumière ténébreuse de la lune : « La lune blanche luit dans les
bois
.» Victor Hugo voit dans la lune blanche ou la lune dorée le temps
vivant immatériel et imperceptible qui passe :
 
« La lune était sereine et jouait sur les flots...
Là-bas, d'un flot d'argent borde les noirs îlots. »
 
Baudelaire, lui, excelle dans les bienfaits de la lune : « La Lune, qui
est le caprice même, regarda par la fenêtre. Pendant que tu dormais dans
ton berceau et se dit : " Cet enfant me plaît ". Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les
fenêtres. Puis elle s'étendit sur toi avec la tendresse souple d'une mère, et
elle déposa ses couleurs sur ta face. 
»
 
 
Étoiles
 
Fenêtres du monde, gardiennes des nuits et des secrets, les étoiles sont
la source de la lumière.
 
Illuminant le ciel durant la nuit, les étoiles symbolisent l'ordre
cosmique en raison de leur course autour de l'étoile polaire, l'axe du
monde ; ainsi que la lumière d'en haut dont l'origine reste mystérieuse
pour l'homme.
 
« Si l'étoile à cinq branches est (….) un symbole du microcosme
humain, l'étoile à six branches (…) symbolisera l'étreinte de l'esprit et de la matière (….). L'étoile à sept branches participera au symbolisme du nombre sept; unissant le carré et le triangle, elle figure la lyre cosmique, la musique des sphères, l'harmonie du monde, l'arc-en-ciel aux sept couleurs, les sept zones planétaires, l'être humain dans sa totalité.
 »
 
Nombril du monde, centre de l'univers, l'étoile polaire joue dans la
symbolique universelle un rôle privilégié : celui de centre absolu autour
duquel, éternellement, pivote le firmament.
 
« L'étoile de Bethléem, notent les symbolistes, est considérée par la
plupart des historiens comme une concession de l'église naissante à la
pensée astrologique, alors toute-puissante, et fait suite aux phénomènes
cosmiques extraordinaires, semblables, qui ont précédé la naissance de presque tous les Fils de Dieu (y compris Bouddha ).
»
 
Étroitement liées, les étoiles évoquent aussi les mystères du sommeil et de la nuit dont elles dépendent, et l'homme doit se situer dans les grands rythmes cosmiques et s'harmoniser avec eux.
Les étoiles symbolisent, selon les poètes, l'inspiration qui vient matérialiser, c'est-à-dire, traduire les désirs jusqu'alors inexprimés et  inexprimables. Dans « Les nuits étoilées », Blaise Cendrars évoque cette matérialisation de désirs :
 
"Je passe la plus grande partie de la nuit sur le pont.
                Les étoiles familières de nos latitudes penchent sur le ciel."
 
Pléiade
 
Au nombre de sept étoiles, cette petite constellation était autrefois
tenue pour l'un des centres possibles du ciel. C'est pourquoi les
Babyloniens l'appelaient « la pierre du fondement » et les Indiens, tout
simplement, « La Mère.»
 
Pour les Hellènes, elles étaient les filles d'Atlas et de Pléron qui,
poursuivies par Orion (destiné à devenir une autre constellation céleste),
avaient été transformées par Zeus en étoiles.
 
« La constellation des Pléiades jouait un rôle de premier plan dans le système cosmogonico-religieux des Incas. Divinisées pour leur lien avec
le cycle agraire, elles étaient honorées en juin, à leur apparition qui
coïncidait avec l'année nouvelle, par des sacrifices humains, où des
victimes volontaires se jetaient dans un précipice
. »
 
Dans l'histoire littéraire, on a donné le nom de Pléiades à des groupes
de sept poètes alexandrins à l'époque de Ptolémée Philadelphe au troisième siècle avant J.-C. Cette tradition s’est perpétuée jusqu'au milieu du XVIème siècle avec la Pléiade sous le règne du fils de François 1er, Henri II.
 
Éclipse
 
L'éclipse, en tant qu'elle marque une disparition, une occultation accidentelle de la lumière, est à peu près universellement considérée
comme un événement dramatique. Dans certaines religions, tels le
Bouddhisme et l'Islam, l'éclipse est mise fréquemment en rapport avec la
mort : c'est la mort de l'astre.
 
« D'une façon générale, notent les symbolistes, l'éclipse se présente
comme l'annonciatrice des dérèglements cataclysmiques d'une fin de cycle, qui appelle l'intervention ou réparation, en vue de préparer l'avènement d'un cycle, neuf : ce sera la libération de l'astre avalé par le monstre.
 »
 
Dans l'ancien Pérou, une éclipse du soleil comptera parmi les signes
ayant annoncé la venue des Espagnols et l'écroulement de l'Empire Inca.
.
 
 
Arc-en-ciel
 
Cette configuration céleste était le signe, pour de nombreuses cultures anciennes, de la bienveillance divine. Il est considéré comme l'annonciateur d'heureux événements, liés à la rénovation cyclique.
 
« En Grèce, l'arc-en-ciel est Iris, la messagère rapide des dieux. Il symbolise aussi de façon générale des relations entre le ciel et la terre, entre les dieux et les hommes : il est un langage divin. »
 
En Inde et en Mésopotamie, les sept couleurs de l'arc-en-ciel sont assimilées aux sept cieux. Cette image est reprise dans les religions monothéistes : les sept couleurs de l'arc-en-ciel sont l'image des sept sacrements chrétiens et des sept dons du Saint-Esprit. En ésotérisme islamique, les sept couleurs sont l'image des qualités divines reflétées dans le reflet du soleil sur le voile inconsistant de la pluie.
 
II est maléfique chez les Incas. Ceux-ci considèrent l'arc-en-ciel comme un serpent céleste. Il est néfaste dans l'ancienne Java : l'arc-en-ciel était aussi un serpent à deux têtes : l'une de ces têtes buvait l'eau de la mer du Nord, que l'autre tête rejetait dans la mer du sud.
 
Éclair
 
Il « symbolise l'étincelle de la vie et le pouvoir fertilisant. C'est le feu céleste d'une immense puissance et d'une redoutable rapidité : il peut être bénéfique ou néfaste. » Dans la Bible, l’éclair est comparé à l'émission du sperme, il symbolise l'acte viril de Dieu dans la Création. »
 
« Sur le plan spirituel, notent les symbolistes, l'éclair produit une
lumière intérieure, obligeant le sujet à fermer les yeux, c'est-à-dire à se
recueillir.
 »
 
Dans la tradition védique, l'acolyte de l'Agnihorta récite, en touchant
l'eau :
Tu es l'éclair;
Détache de moi mon mal.
De l'ordre sacré,
Je vais à la Vérité.
 
Symbole de l'éclaircissement intuitif et spirituel ou de l'illumination
soudaine, l'éclair illumine et foudroie. Ce thème est repris par Aram :
 
Aux yeux verts et aux regards crépusculaires,
Elle se répand dans ma vie comme des éclairs.
 

Flamme

 
Dans presque toutes les civilisations anciennes, la flamme est un
symbole de purification, d'illumination intérieure et d'amour spirituel. Elle
est l'image de l'esprit et de la transcendance, l'âme du feu.
 
« À un moment, tout devient feu, dit Héraclite. Les astres sont des
flammes, la flamme du soleil est la plus brillante et la plus chaude, l'âme
est une étincelle de l'essence stellaire. 
»
 
Dans la religion bouddhique, le corps de Bouddha apparaît prolongé par des flammes, celles qu'il porte sur ses bras en colonnes de feu, ou bien
celles qui entourent son chignon. « Guidées par une réflexion constante
sur la notion d'énergie, les religions indiennes insistent moins, semble-t-il
sur l'aspect destructeur des flammes tel qu'on le retrouve dans toute
l'iconographie chrétienne de l'enfer, où le feu du châtiment céleste dévore
méchants et impies pour l'éternité.
 »
 
Foudre
 
Cette décharge d'électricité céleste, qui amène le feu sur la terre et entraîne tant de désastres, est dans toutes les cultures anciennes l'expression et le symbole d'une force surnaturelle.
 
En Grèce ancienne, la foudre est considérée comme l'instrument et
comme l'arme divins, notamment entre les mains de Zeus (et d'Indra, en Inde). « La foudre est l'arme du dieu du ciel. Dans toutes les mythologies, l'endroit où le dieu frappe de la foudre est sacré, l'homme qu'il foudroie est consacré. »
 
Chez les Incas, la foudre est liée à la divination : les devins tenaient
leur don du fait qu'ils avaient été frappés par la foudre.
 
 
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