LA POÉTIQUE DE LA LUMIÈRE
« J'entrevois
un monde où la science triompherait
sur l’ignorance et la lumière sur les ténèbres. »
Hassan El Hassan (dit
Aram)
spiritualité, car c'est elle qui a permis à l'univers, en se révélant, de sortir du chaos originel, et qui a repoussé 1'obscurité dans ses dernières limites.
La lumière
succède aux ténèbres (Post tenebras lux), tant dans l'ordre de la
manifestation cosmique que dans celui de l'illumination intérieure.
La thématique
de la lumière est inséparable de l'histoire de la littérature universelle orale
ou écrite, religieuse ou profane, romanesque ou poétique, classique ou moderne :
chaque civilisation, chaque religion, chaque aire culturelle possède ses propres
récits et textes riches en symboles sur la lumière. Son origine est sacrée, à
fortiori absolue, et son histoire reste à écrire ; elle ne peut être que
poétique.
Lumière cosmique
Aurore
L'étoile du
matin précède l'aurore. Elle annonce la renaissance de la
lumière, l'éveil de celle-ci : l'éternel retour. Dans toutes les civilisations, l'Aurore aux doigts de rose est le symbole joyeux de l'éveil dans la lumière retrouvée.
Toujours jeune,
sans vieillir, sans mourir, elle marche selon son destin et voit se succéder les
générations. Mais chaque matin elle est là, symbole de toutes les possibilités,
signe de toutes les promesses. Avec elle
recommence le monde et tout nous est offert. L'aurore annonce et prépare l'épanouissement des récoltes, comme la jeunesse annonce et prépare celui de l'homme. Symbole de la lumière et de la plénitude promise, l'aurore ne cesse, en chacun, d'être espoir.
Les religions
monothéistes voient dans les premiers rayons
crépusculaires matinaux, le signe de la puissance du Dieu céleste et 1'annonce de sa victoire sur le monde des ténèbres, qui est celui des méchants.
Dans les
prières de Rig-Véda. « l'aurore éveille toutes choses...
Repoussant les haines, gardienne de l'Ordre et née dans l'ordre, riche de faveurs, incitatrice de bienfaits. » Et aussi « Lève-toi, Aurore ; tu es la plus belle de toutes les beautés. »
Soleil
Source de la
lumière, de la chaleur et de la vie, le soleil est au centre
du ciel, comme le coeur au centre de l'homme.
"Outre qu'il
vivifie, observent les symbolistes, le rayonnement du
soleil manifeste les choses, non seulement en ce qui les rend perceptibles, mais en ce qu'il figure l'extension du point principal, en ce qu'il mesure l'espace."
Les premiers
rayons matinaux symbolisent le temps où la lumière est encore pure, le
commencement où rien n'est encore corrompu, perverti ou compromis .Or « le
matin est à la fois symbole de pureté et de promesse : c'est l'heure de la vie
paradisiaque. C'est encore celle de la confiance en soi, dans les autres, dans
l'existence. »
Un hymne
babylonien datant du IX ème siècle avant J.-C. est dédié au dieu du
soleil Schamash : « Le dieu Schamash est celui qui dissipe les ténèbres, qui
éclaire le ciel, qui, en haut comme en bas, combat le Mal » Il y a aussi
l’hymne égyptien composé par le pharaon Akhenaton et dédié au dieu Aton : « Déjà
tu apparais dans le ciel, soleil de la vie, qui le premier vins de la vie ! Ta
lumière resplendit à l’Est, et ta beauté dans toutes les parties du monde. »
Roi des astres,
le soleil est symbole du roi des hommes. Datant de l’Antiquité, cette
comparaison se perpétuait jusqu'à Louis XIV : le Roi-Soleil.
À midi, le
soleil atteint le milieu du jour, le milieu du ciel et la
lumière entre dans sa plénitude : C'est l'heure où il n'y a plus d'ombre. S'opposant à la lumière, celle-ci est l'image de choses fugitives, irréelles et changeantes, somme toute l'homme. La première sagesse mésopotamienne affirme que « L'homme n'est que l'ombre des dieux. »
Aussi à midi,
commence la moitié descendante de la journée où le
soleil marche vers l’Ouest, vers le déclin, vers la vieillesse.
Avant le
crépuscule vespéral, les voûtes célestes s'irisent, changent de couleurs. Cette
beauté enivrante symbolisant Dieu a toujours été chantée par les citoyens de la
sagesse, tel Empédocle lorsqu'il déclare : "Je suis un errant en exil de Dieu."
Aussi Sénèque affirme-t-il « De n'importe où, on peut s'élancer vers le ciel. »
Crépuscule
Précédant
l'ombre, le crépuscule est étroitement lié à l'idée de l'Occident, la direction
où le soleil décline, s'éteint et meurt. Il exprime la fin d'un siècle et, en
conséquence, la préparation d'un renouveau.
Dans Le
Crépuscule du soir, Baudelaire décrit la mort de la lumière solaire : « Le
jour tombe. Un grand apaisement se fait dans les pauvres esprits fatigués du
labeur de la journée : et leurs pensées prennent maintenant les couleurs tendres
et indécises du crépuscule.»
"Le
crépuscule, observent les symbolistes, est une image spatio-temporelle :
l'instant suspendu. L'espace et le temps vont chavirer à la fois dans l'autre
monde et l'autre nuit. Mais cette mort de l'un est annonciatrice de l'autre:
un nouvel espace et un nouveau temps succéderont aux anciens. La marche vers
l'Ouest est la marche vers l'avenir, mais à travers des transformations
ténébreuses. Au-delà de la nuit, on espère de nouvelles aurores.»
Nuit
La nuit n'est
pas la simple absence de la lumière solaire, elle s'apparente aussi
symboliquement à l'obscurité pleine de mystères, et au sein maternel protecteur.
Dans la
mythologie grecque, la nuit (nyx) était la fille du Chaos et la
mère du ciel (Ouranos) et de la Terre (Gaia). Elle engendre le sommeil et la mort, les rêves et les angoisses, la tendresse et la tromperie.
Dans les
religions du Livre, la nuit traduit l'étape de privations et
d'épreuves par laquelle doit passer l'âme en quête de l'union avec la lumière, avec Dieu. C'est au sein de la nuit, dans la « Nuit du Destin », que se produit dans l'islam la révélation coranique. Aussi, dans la littérature courtoise arabe, l'histoire légendaire de Majnoun et de Leila, le fou de Leila, personnifie l'âme embrassée. Le nom même de Leila signifierait la nuit où se réfugie l'amour du Seigneur.
Comme tout
symbole, la nuit elle-même présente un double aspect,
celui des ténèbres où fermente le devenir, celui de la préparation du jour, d’où jaillira la lumière de la vie.
Messagère
d'espoir, de rêves et de liberté, la nuit a été profusément célébrée par les
poètes. Baudelaire, Rimbaud et Verlaine ont toujours
vécu dans la nuit parisienne. « La tombée de la nuit, écrit Baudelaire, a toujours été le signe d'une fête intérieure et comme la délivrance d'une angoisse. » Victor Hugo ne chante-il pas la nuit dans Oceano Nox ?
Symbole de
l'incertitude, de l'indécision, du désir et de l'amour, la nuit
parcourt le Cosmos, enveloppée d'un voile sombre et magique. Dans ses Méditations poétiques, Lamartine évoque cette incertitude.
"Je marche dans
la nuit par un chemin mauvais,
Ignorant d'où
je viens, incertain où je vais."
Lune
Astre des nuits
qui croît, décroît et disparaît, « la lune connaît une
histoire pathétique, de même que celle de l'homme. Cet éternel retour à ses formes initiales, cette périodicité sans fin font que la lune est par excellence l'astre des rythmes de la vie. Elle contrôle tous les plans cosmiques régis par la loi du devenir cyclique : eaux, pluie, végétation, fertilité... »
Dans les
anciennes civilisations orientales et dans le monde sémitique moderne également
(Arabe, sudarabique, éthiopien) la lune est de sexe masculin, et le soleil de
nature féminine. Car pour ces peuples nomades et caravaniers, c'est la nuit qui
est douce et reposante, propice aux voyages. Aussi chez bien d'autres peuples
sédentaires, la lune est de nature masculine. Elle est le guide des nuits.
La lune
symbolise aussi le temps qui passe, le temps vivant, dont elle est la
mesure, par ses phases successives et régulières.
Reflet du
soleil, la lune est un symbole de la connaissance indirecte, discursive,
progressive, froide ; somme toute de la connaissance théorique, conceptuelle et
rationnelle.
« Les
bouddhistes, notent les symbolistes, croient que Bouddha médita 28 jours
sous le figuier, c'est-à-dire un mois lunaire, ou un cycle parfait de notre
monde sublunaire, avant d'atteindre le Nirvana et d'arriver à la connaissance
parfaite des mystères du monde ».
La lune est
comparée aux mains de l'homme universel, Adam Kadmon, la main droite, celle qui
bénit, est en rapport avec la lune montante, et la main gauche, celle qui jette
les maléfices avec les 14 jours de la lune descendante.
En Islam, il
existe deux calendriers : l'un solaire, en raison des
nécessités de l'agriculture ; l'autre lunaire, pour des raisons religieuses, la lune étant le régulateur des actes canoniques.
Pour le poète
mystique Jalal Al-Din Al-Rumi, le Prophète reflète Dieu comme la lune reflète la
lumière du soleil.
Source
d'innombrables mythes, légendes et cultes, la lune occupe une place
prépondérante dans les chants des poètes : Verlaine évoque la
beauté et la lumière ténébreuse de la lune : « La lune blanche luit dans les bois.» Victor Hugo voit dans la lune blanche ou la lune dorée le temps vivant immatériel et imperceptible qui passe :
« La lune était
sereine et jouait sur les flots...
Là-bas, d'un flot d'argent borde les noirs îlots. »
Baudelaire,
lui, excelle dans les bienfaits de la lune : « La Lune, qui
est le caprice même, regarda par la fenêtre. Pendant que tu dormais dans ton berceau et se dit : " Cet enfant me plaît ". Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les fenêtres. Puis elle s'étendit sur toi avec la tendresse souple d'une mère, et elle déposa ses couleurs sur ta face. »
Étoiles
Fenêtres du
monde, gardiennes des nuits et des secrets, les étoiles sont
la source de la lumière.
Illuminant le
ciel durant la nuit, les étoiles symbolisent l'ordre
cosmique en raison de leur course autour de l'étoile polaire, l'axe du monde ; ainsi que la lumière d'en haut dont l'origine reste mystérieuse pour l'homme.
« Si
l'étoile à cinq branches est (….) un symbole du microcosme
humain, l'étoile à six branches (…) symbolisera l'étreinte de l'esprit et de la matière (….). L'étoile à sept branches participera au symbolisme du nombre sept; unissant le carré et le triangle, elle figure la lyre cosmique, la musique des sphères, l'harmonie du monde, l'arc-en-ciel aux sept couleurs, les sept zones planétaires, l'être humain dans sa totalité. »
Nombril du
monde, centre de l'univers, l'étoile polaire joue dans la
symbolique universelle un rôle privilégié : celui de centre absolu autour duquel, éternellement, pivote le firmament.
« L'étoile
de Bethléem, notent les symbolistes, est considérée par la
plupart des historiens comme une concession de l'église naissante à la pensée astrologique, alors toute-puissante, et fait suite aux phénomènes cosmiques extraordinaires, semblables, qui ont précédé la naissance de presque tous les Fils de Dieu (y compris Bouddha ).»
Étroitement
liées, les étoiles évoquent aussi les mystères du sommeil et de la nuit dont
elles dépendent, et l'homme doit se situer dans les grands rythmes cosmiques et
s'harmoniser avec eux.
Les étoiles
symbolisent, selon les poètes, l'inspiration qui vient matérialiser,
c'est-à-dire, traduire les désirs jusqu'alors inexprimés et inexprimables. Dans
« Les nuits étoilées », Blaise Cendrars évoque cette matérialisation de
désirs :
"Je passe la
plus grande partie de la nuit sur le pont.
Les étoiles familières de nos latitudes penchent sur le ciel."
Pléiade
Au nombre de
sept étoiles, cette petite constellation était autrefois
tenue pour l'un des centres possibles du ciel. C'est pourquoi les Babyloniens l'appelaient « la pierre du fondement » et les Indiens, tout simplement, « La Mère.»
Pour les
Hellènes, elles étaient les filles d'Atlas et de Pléron qui,
poursuivies par Orion (destiné à devenir une autre constellation céleste), avaient été transformées par Zeus en étoiles.
« La
constellation des Pléiades jouait un rôle de premier plan dans le système
cosmogonico-religieux des Incas. Divinisées pour leur lien avec
le cycle agraire, elles étaient honorées en juin, à leur apparition qui coïncidait avec l'année nouvelle, par des sacrifices humains, où des victimes volontaires se jetaient dans un précipice. »
Dans l'histoire
littéraire, on a donné le nom de Pléiades à des groupes
de sept poètes alexandrins à l'époque de Ptolémée Philadelphe au troisième siècle avant J.-C. Cette tradition s’est perpétuée jusqu'au milieu du XVIème siècle avec la Pléiade sous le règne du fils de François 1er, Henri II.
Éclipse
L'éclipse, en
tant qu'elle marque une disparition, une occultation accidentelle de la lumière,
est à peu près universellement considérée
comme un événement dramatique. Dans certaines religions, tels le Bouddhisme et l'Islam, l'éclipse est mise fréquemment en rapport avec la mort : c'est la mort de l'astre.
« D'une
façon générale, notent les symbolistes, l'éclipse se présente
comme l'annonciatrice des dérèglements cataclysmiques d'une fin de cycle, qui appelle l'intervention ou réparation, en vue de préparer l'avènement d'un cycle, neuf : ce sera la libération de l'astre avalé par le monstre. »
Dans l'ancien
Pérou, une éclipse du soleil comptera parmi les signes
ayant annoncé la venue des Espagnols et l'écroulement de l'Empire Inca..
Arc-en-ciel
Cette
configuration céleste était le signe, pour de nombreuses cultures anciennes, de
la bienveillance divine. Il est considéré comme l'annonciateur d'heureux
événements, liés à la rénovation cyclique.
« En Grèce,
l'arc-en-ciel est Iris, la messagère rapide des dieux. Il symbolise aussi de
façon générale des relations entre le ciel et la terre, entre les dieux et les
hommes : il est un langage divin. »
En Inde et en
Mésopotamie, les sept couleurs de l'arc-en-ciel sont assimilées aux sept cieux.
Cette image est reprise dans les religions monothéistes : les sept couleurs de
l'arc-en-ciel sont l'image des sept sacrements chrétiens et des sept dons du
Saint-Esprit. En ésotérisme islamique, les sept couleurs sont l'image des
qualités divines reflétées dans le reflet du soleil sur le voile inconsistant de
la pluie.
II est
maléfique chez les Incas. Ceux-ci considèrent l'arc-en-ciel comme un serpent
céleste. Il est néfaste dans l'ancienne Java : l'arc-en-ciel était aussi un
serpent à deux têtes : l'une de ces têtes buvait l'eau de la mer du Nord, que
l'autre tête rejetait dans la mer du sud.
Éclair
Il « symbolise
l'étincelle de la vie et le pouvoir fertilisant. C'est le feu
céleste d'une immense puissance et d'une redoutable rapidité : il peut être
bénéfique ou néfaste. »
Dans la Bible, l’éclair est comparé à l'émission du sperme, il symbolise l'acte
viril de Dieu dans la Création. »
« Sur le
plan spirituel, notent les symbolistes, l'éclair produit une
lumière intérieure, obligeant le sujet à fermer les yeux, c'est-à-dire à se recueillir. »
Dans la
tradition védique, l'acolyte de l'Agnihorta récite, en touchant
l'eau :
Tu es l'éclair;
Détache de moi
mon mal.
De l'ordre sacré,
Je vais à la
Vérité.
Symbole de
l'éclaircissement intuitif et spirituel ou de l'illumination
soudaine, l'éclair illumine et foudroie. Ce thème est repris par Aram :
Aux yeux verts
et aux regards crépusculaires,
Elle se répand
dans ma vie comme des éclairs.
Flamme
Dans presque
toutes les civilisations anciennes, la flamme est un
symbole de purification, d'illumination intérieure et d'amour spirituel. Elle est l'image de l'esprit et de la transcendance, l'âme du feu.
« À un
moment, tout devient feu, dit Héraclite. Les astres sont des
flammes, la flamme du soleil est la plus brillante et la plus chaude, l'âme est une étincelle de l'essence stellaire. »
Dans la
religion bouddhique, le corps de Bouddha apparaît prolongé par des flammes,
celles qu'il porte sur ses bras en colonnes de feu, ou bien
celles qui entourent son chignon. « Guidées par une réflexion constante sur la notion d'énergie, les religions indiennes insistent moins, semble-t-il sur l'aspect destructeur des flammes tel qu'on le retrouve dans toute l'iconographie chrétienne de l'enfer, où le feu du châtiment céleste dévore méchants et impies pour l'éternité. »
Foudre
Cette décharge
d'électricité céleste, qui amène le feu sur la terre et entraîne tant de
désastres, est dans toutes les cultures anciennes l'expression et le symbole
d'une force surnaturelle.
En Grèce
ancienne, la foudre est considérée comme l'instrument et
comme l'arme divins, notamment entre les mains de Zeus (et d'Indra, en Inde). « La foudre est l'arme du dieu du ciel. Dans toutes les mythologies, l'endroit où le dieu frappe de la foudre est sacré, l'homme qu'il foudroie est consacré. »
Chez les Incas,
la foudre est liée à la divination : les devins tenaient
leur don du fait qu'ils avaient été frappés par la foudre. |
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